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Le monsieur du parc

J’avais à peine quatre ans. Je me promenais dans un parc avec mon père, ma petite main en sécurité dans la sienne. Soudain, j’aperçois un homme qui dormait sur un banc. Plus j’approchais, plus je me rendais compte de sa misère : vieux habits, souliers sales et déchirés, cheveux hirsutes, barbe longue, mains crasseuses. À ses côtés gisaient de vieux sacs dans lesquels on pouvait distinguer des bouteilles et des chiffons.

J’étais trop jeune pour mesurer l’ampleur et la détresse de cette situation, mais je me souviens très bien que mon père me laissait regarder longuement cet homme et attendait mes questions sans les provoquer. Elles ne vinrent que plus tard, une fois rendue à la maison.

C’est là, dans la tiédeur et le confort de mon foyer, que j’ai appris l’existence de la misère et de la pauvreté.

Le soleil était bas. Ses rayons rendaient la pièce propice aux confidences. Blottie sur les genoux de mon père et appuyée au creux de son épaule, j’ai murmuré : «Pourquoi il est comme ça le monsieur du parc?»

Avec d’infinies précautions et beaucoup de respect, papa m’a raconté une histoire : celle de l’indigence. Histoire qui n’était pas celle de l’inconnu du banc public, évidemment, mais qui était celle de tous ceux-là pour qui la vie n’avait pas été tendre. L’histoire triste des laissés-pour-compte, des malheureux, des mal-aimés. L’histoire du monsieur du parc, en somme.

- «Personne ne les aimes?» dis-je, incrédule.

- «Très peu de gens. Personne peut-être», me répondit papa.

- «Même pas le Bon Dieu?» ajoutais-je, scandalisée.

- «Ah! Si. Dieu les aime. Même que ce sont eux qu’il aime le plus.»

Rassurée, je m’endormis en rêvant à la chance des pauvres…

Ghislaine Salvail, sjsh

 


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