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Mon pèlerinage à Compostelle

Faire un pèlerinage, c’est accepter le risque du dépaysement, du dépouillement, du dépassement. Cette aventure intégrale suppose une bonne dose de confiance en soi et aux autres.

Malgré une nécessaire préparation physique, c’est un saut dans l’inconnu.
La préparation physique: un entraînement pour renforcer les jambes, le ventre, le dos et les bras. Une fois les muscles en forme, le corps doit connaître l’expérience d’une marche de plusieurs heures. Alors un mois avant le départ, il sera important de marcher 2-3 heures par jour, 3 fois par semaine en plus d’un parcours plus long de 15-20 km. Et cela en ajoutant graduellement du poids dans le sac à dos. L’ensemble de la marche que j’ai fait, représente environ 300 km à raison d’une vingtaine de kilomètres par jour, un pas à la fois.

Un saut dans l’inconnu
Les questions surgissent: est-ce que je vais être capable de le faire? Est-ce que je vais être malade? Qui vais- je rencontrer? Que vais-je manger? Où vais-je coucher? C’est la confiance qui va faire la différence, qui va changer toute notre attitude et qui va déterminer le bien-être ou le mal-être de soi et des autres puisque nous faisons le pèlerinage à 16 personnes dont 2 accompagnateurs.
L’ouverture et la tolérance sont aussi des vertus à mettre en pratique. Le Chemin présente ses nouveautés, ses différences entre les personnes et ses frustrations.

Les frustrations, il y en a peu ou beaucoup selon le niveau de tolérance des personnes: douches froides dans les refuges où l’on arrive plus tard, l’attente au repas parce qu’il y a beaucoup de monde à servir, difficulté à dormir parce qu’il y a des ronfleurs olympiques, se faire réveiller par le pèlerin d’en bas du lit jumeau qui se retourne dans un lit qui craque, même le bruit des bâtons de marche qui dérange le silence du Chemin etc.

Le Chemin de Compostelle, c’est un temps qu’on se donne pour être disponible à soi. La marche de plusieurs heures et plusieurs jours de suite fait fondre les barrières ou les défenses personnelles qu’on a érigées consciemment ou inconsciemment pour se protéger, pour fonctionner avec les blessures, les difficultés. La fatigue causée par la marche amène une conscience de soi plus claire. Pour le chrétien, présence à soi sous-tend présence à Dieu; en ce qui me concerne, c’est très intimement lié. Je sais qu’Il ne me quitte jamais, c’est plutôt moi qui l’oublie parfois.
C’est un temps pour travailler sur soi, avec Dieu. Le Carême peut en être de même en autant qu’on y accorde un temps spécifique.

Le Chemin de Compostelle, c’est un temps d’épuration où l’on vit avec l’essentiel: seulement le contenu du sac à dos et ce que le Chemin nous donne: un lit, un restaurant, un marché. Pendant le parcours, on se demande si au retour, on serait capable de vivre juste avec l’essentiel. C’est difficile quand on vit sur une terre d’abondance et de superficiel. Pour faire un lien avec l’évangile sur la colère de Jésus envers les vendeurs du temple, c’est sûrement un vif désir de sa part de changer radicalement notre vision ou notre compréhension des sacrifices. Dieu n’attend pas de nous des sacrifices d’apparence mais plutôt que nous soyons bons et bienveillants avec nos proches et ceux que nous rencontrons.

Le Chemin de Compostelle permet un temps de silence pour faire taire toutes les préoccupations ordinaires, tous les soucis souvent inutiles que l’on se crée.
Dieu se manifeste plus aisément dans le silence. On a plus de chance de l’entendre ou plutôt de le sentir en dehors du vacarme.

Des cadeaux!
Le Chemin de Compostelle apporte toujours des cadeaux. Par exemple, la fatigue d’une montée éprouvante qui te fait arrêter et te retourner pour découvrir et t’ébahir devant la beauté d’un panorama à couper le souffle. Sans la fatigue, je ne me serais pas arrêtée alors bénie soit la fatigue!

Un autre cadeau: la solidarité authentique qui m’a suffisamment mise en confiance pour accepter l’aide offerte pour porter mon sac à dos alors que je ressentais une brûlure dérangeante dans la fesse. C’était pour moi une découverte que de demander de l’aide. Pour moi, donner de l’aide à quelqu’un, c’est n’importe quand. Mais à mon tour, en recevoir, c’est beaucoup plus difficile : c’est un manque d’humilité de ma part, c’est me montrer vulnérable et je n’aime pas cela. Sur le Chemin, j’ai été capable de le faire et cela ne m’a pas fait mourir, bien au contraire!

Un de mes objectifs de la marche à Compostelle était de creuser l’aspect détachement dans ma vie. Au lieu de cela, c’est le sentiment d’abandon présent en moi qui s’est évanoui. Ce serait un peu long ici de vous décrire comment c’est arrivé mais je peux vous partager l’effet ressenti après que le sentiment d’abandon se soit pulvérisé. Avant l’événement, je me sentais comme un casse-tête à trois dimensions avec des morceaux pendants, et après, tous mes morceaux sont tombés en place : je me suis sentie unifiée et c’était et c’est toujours très agréable. C’est une libération inattendue.

En conclusion, je dirais que le Chemin de Compostelle est un pèlerinage dans un pèlerinage; en effet, vous le savez, nous sommes de passage ici. Je rappelle les paroles de Monsieur Martin, le père de Thérèse de l’Enfant Jésus. Il disait: 'La terre est ton navire et non ta demeure'.

Je crois que l’important, c’est de rester en chemin, debout à l’intérieur; je dis à l’intérieur car la maladie ou tout autre évènement peut nous terrasser. Comme sur le Chemin de Compostelle, une difficulté peut se transformer en occasion de découverte ou d’apprentissage: la maladie peut permettre un temps de se regarder vivre, d’apprécier le jeu d’un enfant etc. C’est aussi de vivre confiant en gardant notre main dans la main de Dieu, le Dieu de l’impossible, le Dieu de toute tendresse, le Dieu fou d’amour gratuit pour l’humain en qui Il a déposé le désir de Lui et le goût du bonheur absolu.

Buen Camino! Bonne Route!

Diane Martel-Bariteau, associée au charisme sjsh
14 mars 2009

 


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